mardi 20 octobre 2009

La catastrophe du New Deal

A l’heure où s’esquisse une timide sortie de crise, les voix qui réclament un nouveau New Deal se font moins pressantes. Et sans doute à juste titre : le New Deal n’a pas été autre chose en effet qu’une catastrophe économique.

Tous les paramètres macro-économiques convergent dans le même sens. Alors que les dépressions du 19e siècle se caractérisaient par leur brièveté, la grande crise ouverte en 1929 ne s’est véritablement terminée qu’en 1946 (on ne peut considérer l’économie de guerre entre 1941 et 1945 comme une période de « prospérité », la réduction du chômage n’étant due qu’à une conscription massive). Lorsque Roosevelt prend ses fonctions en 1933, le chômage atteint le niveau de 28%. En 1939, il était encore de 17% (après une baisse à 14% en 1937). Son taux moyen s’établissait à 18% entre 1933 et 1940. Le PIB par tête était en 1939 inférieur à celui de 1929 (847 USD contre 857 USD). L’investissement net privé était inférieur en 1940 à son niveau de 1930. Il a même été négatif en 1937 !

Ces résultats se comparent défavorablement à ceux d’autres pays. Le taux de chômage de la Grande-Bretagne était revenu à 10,3% en 1937. Quand au Canada, s’il avait souffert d’un taux de chômage inférieur de 3,9% au taux américain entre 1929 et 1933, la situation était renversée entre 1934 et 1940, avec un taux de chômage aux Etats-Unis en moyenne supérieur de 5,9% au taux de son voisin du Nord !

Ces chiffres désastreux s’expliquent par une erreur d’analyse. Pour Roosevelt (comme pour Hoover avant lui), le chômage est causé par un niveau des prix insuffisant. Le New Deal se déploie donc dans trois directions principales : la cartellisation de l’économie, le maintien des salaires à des niveaux artificiellement élevés, et l’augmentation des dépenses publiques.

Du côté de la cartellisation, le National Recovery Act amène à la création de codes sectoriels qui réglementent sévèrement l’activité. Les prix sont fixés en grande partie administrativement, et le jeu de la concurrence amoindri, d'où la conséquence inéluctable d'une baisse du niveau de la production. Parallèlement, le pouvoir est amené à créer une police spéciale de surveillance, qui transforme les industriels en délinquants potentiels. Le cas d’un tailleur du New Jersey emprisonné pour avoir vendu ses costumes quelques cents en dessous du prix minimal imposé est resté célèbre. Ce climat anti-business n’est guère favorable à l’investissement, ce qui se traduit en 1937 par un investissement net négatif.

Plus décisive encore apparaît la politique salariale, co-gérée avec les syndicats au sein de négociations de branches obligatoires. Alors que le taux de chômage dépasse tout ce que l’Amérique avait connu dans son histoire, les salaires minimaux sont remontés au-dessus du niveau du marché. Aucune distinction n’est établie suivant le niveau de qualification du personnel. Bénéficient de cette politique les salariés syndiqués (salaires élevés, meilleure sécurité de l’emploi, etc) mais les plus pauvres restent exclus. Ainsi la différence de salaire moyen entre syndiqués et syndiqués, qui ne dépassait guère 5% en 1933, s’élève-t-elle à 23% en 1940. L’élévation du coût du travail, l’encouragement aux grèves (28 millions de jours de grève en 1938), le développement d’une réglementation tatillonne, tout cela décourage massivement l’embauche, ce qui se retrouve dans les chiffres du chômage.

Le troisième volet du New Deal, l’augmentation des dépenses publiques, n’est pas une nouveauté absolue puisque Hoover avait déjà initié cette tendance (après une première hausse de 9% des dépenses en 1930, la croissance continue, au point que le déficit du budget fédéral représente 4,5% du PIB en 1933). Le déficit moyen s’établit à 5,1% du PIB entre 1934 et 1937. Tout cela ne suffit pas à empêcher une nouvelle aggravation de la crise en 1937 et 1938. Seule l’économie de guerre changera la donne, encore qu’il soit difficile dans ces conditions de parler d’un retour à la prospérité (le chômage baisse de seulement 7 millions de personnes entre 1940 et 1944 alors que l’armée enrôle 10 millions de soldats !). Pour contenir le déficit, les taux marginaux d’imposition sont placés à des niveaux prohibitifs, avec les effets désincitatifs que l’on connaît.

Ce rapide survol du New Deal ne laisse pas de doute quant à la réalité de l’échec économique. Cela n’a pas empêché Roosevelt de jouir d’une popularité élevée, qui lui a permis au rebours de toute la tradition constitutionnelle de se faire élire quatre fois de suite. Les raisons tiennent sans doute à des facteurs personnels (l’habileté politique de Roosevelt, son charisme personnel), à la mobilisation des mass-medias (la radio se développe véritablement à cette époque), mais surtout au développement des emplois et prébendes publics. Avec la raréfaction des emplois privés, les Démocrates savent jouer de cet avantage en termes électoraux, que les Républicains sont mal à l’aise pour contrecarrer. Là réside sans doute la seule vraie réussite du New Deal.

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