mardi 29 septembre 2009

La relance, contre la reprise ?

A l’heure où la crise mondiale semble perdre l’acuité apocalyptique que lui attribuaient nombre de commentateurs et hommes politiques (de la « plus grave crise depuis 1929 » pour N. Sarkozy à «la crise finale du capitalisme » pour O. Besancenot ), nombreux sont ceux qui accordent tout le mérite de ce début de redressement aux politiques de relance.

Voyons d’un peu plus près ce qu’il en est, au moyen de prévisions pour 2009 publiées par l’OCDE en juin dernier. On assimilera (un peu rapidement il est vrai) déficit public et effort de relance.

Pays

Déficit public 2009

Croissance PIB 2009

UK

13%

-4%

USA

10%

-3%

Espagne

9%

-4%

Japon

8%

-7%

France

7%

-3%

Italie

5%

-5%

Allemagne

4%

-6%

Source : OCDE (juin 2009)-

Le résultat est sans ambiguïté : il n’y a pas de corrélation étroite entre l’ampleur du déficit public et le niveau de la croissance (ou plutôt de la récession).

Evidemment quelques statistiques ne constituent pas une démonstration. On pourra objecter à juste titre que :

· L’effort de relance devrait se mesurer par différence avec la politique budgétaire qui aurait été suivie en l’absence de crise. En 2008, le déficit public français s’était élevé à 3,4 % contre 0,1% en Allemagne. La comparaison des chiffres bruts sur 2009 est donc faussée.

· Les déficits publics ne correspondent pas toujours à une vision purement keynésienne de relance macroéconomique, mais peuvent comporter une dimension sectorielle. Les méga-déficits américains et britanniques sont en bonne part destinés au sauvetage du secteur financier, particulièrement affecté dans ces deux pays.

· Le déficit public peut tout aussi bien être causé par une chute des recettes due à la crise, qu’à une augmentation des dépenses destinée à combattre celle-ci.

· L’année calendaire 2009 n’est pas forcément l’indicateur le plus pertinent car elle englobe une phase de récession et une phase de stabilisation et/ou reprise. C’est la vigueur de celle-ci qu’il conviendrait de mesurer.

Malgré tout, le tableau ci-dessus met à mal l’idée d’une efficacité mécanique de la dépense budgétaire pour relancer l’économie. La dispersion des données est bien supérieure pour ce qui concerne le déficit public (de 1 à 3), que pour la croissance (de 1 à 2). Cela suggérerait, pour les plus optimistes, que l’achat d’un point de croissance en plus (de décroissance en moins) demande des efforts considérables ; et pour les autres, que le lien statistique n’est pas réellement significatif.

Il sera particulièrement intéressant de suivre l’évolution de ce tableau sur les années à venir. Je redoute pour ma part que les pays qui se sont accordés les déficits les plus importants ne soient également ceux qui bénéficient le moins de la reprise. Le paramètre important est ici le montant total de la dette publique plutôt que le déficit annuel, ce qui amène à nuancer l’affirmation, mais l’idée sous-jacente est simple : quelles que soient les politiques suivies, le poids de la dette étrangle l’économie. Soit que les gouvernements tentent de réduire l’endettement, ce qui les amène à une augmentation déraisonnable des impôts ; soit qu’ils jouent le « benign neglect », ce qui génère une croissance du poids du service de la dette. Joue à plein alors l’effet pervers de la hausse du risque et donc du cout de l’endettement, qui entraîne à son tour une augmentation du risque et donc du taux demandé par les prêteurs, jusqu’à ce que, dans le pire des cas, la spirale ne soit cassée par une crise majeure (inflation galopante ou défaut de paiement, dans les deux cas avec des conséquences catastrophiques).

Outre l’effet de l’endettement, des dépenses importantes de relance génèrent des risques structurels : le capital est investi pour sauver des secteurs en difficulté plutôt que pour préparer l’avenir ; il profite aux lobbies les plus influents plutôt qu’à ceux le mieux capables d’utiliser ces ressources ; et enfin il génère une dépendance douce à l’argent public qui stérilise l’esprit d’entreprise comme le goût du travail et de la prise de risque. A long terme, c’est la voie du déclin.