Peu touchée par la crise, la Chine apparaît comme la locomotive de l’économie mondiale. Les prévisions officielles font état d’une croissance de 9% en 2010. Faut-il appeler à la prudence ? De même que le crash de Dubaï a pris le monde par surprise, les facteurs de fragilité de l’économie chinoise pourraient bien éclater avec violence dans les prochains mois, même si, comme pour l’Apocalypse selon la Bible, on ne connaît ni le jour ni l’heure.
Comme Dubaï, la Chine est confrontée à une situation de sur-investissement. Le rapport de l’investissement au PIB dépasse 50%, un chiffre qu’aucun pays à aucun moment de l’histoire n’a seulement approché. L’Allemagne avait atteint 27% en 1964, le Japon 36% en 1973 et la Corée du Sud 39% en 1991. Le prix à payer est la diminution de la rentabilité de ces investissements. Jusqu’à 2008, pour obtenir un dollar de PIB, il fallait un dollar et demi d’investissement, mais ce chiffre est passé à 7. Pékin est rempli de gratte-ciels inoccupés, d’infrastructures désertes, de bureaux vides…
Confrontées à la nécessité de redéployer l’économie sur le marché intérieur (les exportations ont baissé de 15% en 2009), les autorités qui continuent à maîtriser une bonne partie du processus d’allocation des ressources ne savent comment procéder. L’investissement industriel piétine, alors que les ressources sont engagées dans des grands projets inefficaces. Pour développer l’industrie, il faudrait résoudre un certain nombre de goulots d’étranglement (accès aux technologies, formation des cadres, matières premières,…) et laisser plus de place aux mécanismes de marché. Faute de cela, la corruption prospère et les réformes stagnent. A cet égard le plan de relance décidé en novembre 2008 génère un effet d’éviction de l’investissement privé par l’investissement public et aggrave le problème.
Autre facteur aggravant, le système financier est toujours aussi inefficace : les entreprises petites et moyennes n’ont que très peu accès au crédit, et le crédit à la consommation reste embryonnaire. Dans l’environnement politique et réglementaire local, il est plus facile pour les banques de se concentrer sur la clientèle captive des grandes entreprises d’Etat plutôt que de prendre des risques sur de nouveaux marchés…
La politique de change administré empêche l’adaptation aux flux de capitaux à court terme, qui risque de déstabiliser l’économie en 2010. Attirés par le différentiel de croissance avec les marchés développés, ces capitaux pourraient arriver en masse, ce qui provoquerait une bulle spéculative. Leur retrait brutal, comme de règle en pareil cas dès qu'évolue le contexte international, pourrait alors entraîner de graves déséquilibres. Compte tenu des réserves de change considérables accumulées grâce aux excédents commerciaux, il est peu probable que cette crise à venir se transforme en défaut de paiement, mais l’impact sur la sphère réelle pourrait être considérable.
La croissance à long terme de la Chine est une évidence. Mais la route pourrait être moins lisse qu’il ne semble généralement.
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